La portée du nouvel article L 141-2-2 du Code de la sécurité sociale et les effets escomptés en cont
La nouvelle loi portant modernisation du système de santé, publiée au JO du 27 janvier 2016, créée l’article L 141-2-2 dans le Code de la sécurité sociale, lequel est ainsi rédigé :
« Lorsque sont contestées, en application de l'article L. 142-1 du présent code, les conditions de reconnaissance du caractère professionnel d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle ou l'imputabilité des lésions ou des prestations servies à ce titre, le praticien-conseil du contrôle médical du régime de sécurité sociale concerné transmet, sans que puisse lui être opposé l'article 226-13 du code pénal, à l'attention du médecin expert désigné par la juridiction compétente, les éléments médicaux ayant contribué à la décision de prise en charge ou de refus et à la justification des prestations servies à ce titre.
A la demande de l'employeur, ces éléments sont notifiés au médecin qu'il mandate à cet effet. La victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle est informée de cette notification. »
Cet article instaure l’obligation pour le médecin conseil de l’organisme de sécurité sociale, de communiquer au médecin expert désigné par le tribunal ainsi qu'au médecin mandaté par l'employeur, à la demande de ce dernier, les éléments médicaux justifiant la décision de l’organisme de prendre en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, un accident, une maladie, une lésion ou les prestations servies à ce titre.
I - L’objet de l’article L 141-2-2
La volonté du législateur semble orientée vers la protection de la caisse primaire d’assurance maladie qui, d’un coté a pris sa décision de prise en charge, sur avis de son médecin conseil, lequel, tenu par le respect du secret médical, refuse la transmission des éléments justifiant son avis , et de l’autre coté, subrogée dans les droits du salarié auquel elle sert les prestations, a la charge de l’administration de la preuve, et doit justifier sa décision auprès de l’employeur sous peine de la voir déclarée inopposable.
L’objectif de cette loi est donc de limiter les décisions d’inopposabilité prononcées par les juridictions, qui sanctionnent la Caisse et indirectement, d’astreindre l’employeur à renforcer ses diligences préventives en la matière.
Ainsi, et suivant les préconisations de la Cour de cassation dans ses rapports annuels depuis 2010, l’assemblée nationale a affiché sa volonté d’aligner partiellement le contentieux général sur le contentieux technique.
En effet, dans le cadre du contentieux technique, la Cour de Cassation, a statué dès 2009, en considérant que la décision de la Caisse d’attribuer un taux d’incapacité permanente partielle à un salarié, est inopposable à l’employeur, dès lors que l’organisme de sécurité sociale ne pouvait justifier sa décision. L’employeur se trouvait en effet privé de recours effectif, et le principe du contradictoire lors des débats, s’en trouvait violé.
Ainsi fut modifié l’article L.143-10 du Code de la sécurité sociale (par la loi du 21 juillet 2009) qui organise la communication par le médecin conseil du Service Médical de la CPAM du dossier médical au médecin expert désigné par le TCI et au médecin conseil désigné par l’employeur. Le médecin conseil de la Caisse ne peut donc plus, sous couvert du respect du secret médical, refuser la communication des éléments médicaux. Le débat doit être contradictoire.
Aucune disposition ne permettait une telle communication dans le cadre du contentieux général.
La création de l’article L 141-2-2 du Code de la sécurité sociale, pallie cette carence, mais il semblerait que ses effets soient limités puisqu’il ne s’agit de permettre la communication des pièces médicales, que dans le seul cadre des expertises médicales judiciaires ordonnées avant dire droit, par le TASS.
II - Les effets limités de l’article L 141-2-2
Dans le Rapport 2010, la Cour de cassation proposait déjà l’insertion, à la suite de l’article L141-1 ou de l’article L 142-1 du Code de la sécurité sociale, d’un article ainsi rédigé :
«Lorsqu’une mesure d’expertise judiciaire est organisée à l’occasion d’une contestation opposant un employeur à un organisme social sur le caractère professionnel d’une affection ou d’une rechute, le praticien-conseil du contrôle médical du régime de sécurité sociale transmet, sans que puisse lui être opposé les dispositions de l’article 226-13 du code pénal, à l’attention du médecin-expert désigné par la juridiction compétente, l’entier dossier médical constitué par ses soins, et ayant contribué à la décision de prise en charge [l’ayant amené à émettre un avis favorable à la décision de prise en charge]. À la demande de l’employeur, ce dossier est communiqué au médecin qu’il mandate à cet effet.
La victime de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle est informée de cette communication.
Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article. » .
Le législateur de 2016 a choisi de créer un nouvel article numéroté L 141-2-2 du Code de la sécurité sociale.
La rédaction de l’article semble correspondre à celle proposée par ce rapport annuel de la Cour de cassation mais il convient de relever que la première partie de l’article proposé a été écartée. Ainsi, il n’est pas repris « Lorsqu’une mesure d’expertise judiciaire est organisée », sans doute parce que le législateur a choisi d’insérer l’article à la suite de l’article L 141-1, dans le chapitre 1er, intitulé « Expertise médicale », et non à la suite de l’article L 141-2 dans le chapitre 2, intitulé « Contentieux général ».
Par ailleurs, il est intéressant de noter que le législateur a restreint l’obligation du médecin conseil de la CPAM qui ne sera donc pas obligé de transmettre «l’entier dossier médical constitué par ses soins, et ayant contribué à la décision» mais «les éléments médicaux ayant contribué à la décision». La volonté est clairement de permettre à la Caisse de justifier sa décision et de respecter le principe du contradictoire des débats, sans aller au-delà.
III – Une possibilité d’interprétation plus extensive
Les Conseils des employeurs s’interrogent sur l’interprétation de ce nouvel article dans le Code de la sécurité sociale, et l’opportunité de l’invoquer, au-delà des seuls expertises médicales, afin d’obtenir plus aisément la communication des éléments médicaux par la CPAM.
Pour justifier d’une interprétation plus large de cet article, l’on pourrait retenir la création d’un second alinéa spécifique qui dispose :
« A la demande de l'employeur, ces éléments sont notifiés au médecin qu'il mandate à cet effet. La victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle est informée de cette notification. »
Sur cette base, il pourrait être soutenu que le législateur a choisi de distinguer la communication des éléments médicaux justifiant la décision du médecin conseil de l’organisme au médecin expert désigné par le tribunal (cf. premier alinéa), de la communication de ces mêmes éléments au médecin désigné par l’employeur lui-même (cf. second alinéa).
En effet, pourquoi, le législateur aurait-il précisé que cette communication doit être permise au médecin désigné par l’employeur, s’il s’agissait uniquement de la limiter au seul cadre des expertises médicales judiciaires, puisque l’expertise est dans tout les cas contradictoire, sauf à être nulle ?
Cette interprétation au sens large serait sans doute contestée par la CPAM, au regard des éléments sus développés, mais ne pourrait être a priori exclue, en attendant que la jurisprudence apporte des précisions à cet égard.
Avec ces dispositions, en toute hypothèse, nous assistons à la poursuite de la volonté de simplification du contentieux de la sécurité sociale.