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Réforme du contentieux de la sécurité sociale, la commission médicale de recours amiable : Quels eff


L’on sait que le taux de cotisation « accident du travail / maladie professionnelle » dû par les entreprises fluctue en fonction de leur sinistralité. L’employeur trouve ainsi un intérêt à contester les décisions des caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), pour les salariés du régime général, comme celles des mutualités sociales agricoles (MSA), pour ceux du régime agricole, qui reconnaissent le caractère professionnel de tels sinistres en les qualifiant d’accidents du travail ou de maladies professionnelles.


Si l’employeur est informé de la décision d’attribuer à son salarié un taux d’incapacité permanente partielle (IPP) en indemnisation des séquelles du sinistre professionnel qui a pu lui survenir, lorsque la décision attributive de rente lui est notifiée, il n’a pas connaissance pour autant des éléments, plus particulièrement médicaux, sur lesquels le médecin conseil du service du contrôle médical puis la caisse, se sont fondés pour retenir un tel taux.


Sa contestation en justice demeure donc le moyen privilégié pour vérifier, avec l’appui d’un médecin expert en médico légal, que ce taux est justifié au regard de la réalité des séquelles du sinistre professionnel.


Jusqu’au 31 décembre 2018, et par application des dispositions des articles L143-1 et L 143-2 du Code de la sécurité sociale (CSS), de telles contestations étaient portées devant le Tribunal du Contentieux de l’Incapacité (TCI), le recours amiable préalable pourtant prévu par les textes ne revêtant aucun caractère obligatoire.


Mais, depuis le 1er janvier 2019, la loi du 18 novembre 2016 n°2016-1547 dite de « modernisation de la justice du XXIe siècle » est entrée en vigueur, et réforme de manière significative le contentieux de la sécurité sociale en instaurant notamment et dans le cadre du contentieux technique médical qui porte donc plus particulièrement sur la contestation des taux d’IPP, un recours amiable préalable obligatoire devant la Commission Médicale de Recours Amiable (CMRA).


Sur la base de cette mesure qui constitue sans doute une des principales nouveautés de la réforme, les contestations relatives à l’état d’incapacité permanente de travail consécutif à un accident du travail ou une maladie professionnelle, doivent désormais être présentées obligatoirement, et préalablement, à la CMRA.

COMPOSITION ET FONCTIONNEMENT DE LA CMRA

• Ressort géographique : (R 142-8 CSS) : Il s’agit du ressort de l’échelon régional du régime concerné ou, à défaut, national, une commission pouvant toutefois couvrir plusieurs échelons régionaux.


• Composition (R 142-8-1 CSS) : La CMRA est composée de trois médecins : deux médecins experts choisis parmi les experts judiciaires et désignes par le responsable du service médical compétent ainsi qu’un praticien–conseil de la CPAM autre que celui auteur de la décision contestée. Elle est assistée d’un secrétariat placé sous la responsabilité du praticien conseil désigné par la direction générale de la caisse nationale compétente.


• Rôle du secrétariat : (R 142-8-2 CSS) : Dans les dix jours de réception de la saisine de la Commission par l’assuré ou l’employeur et par tout moyen lui conférant une date certaine, le secrétariat en transmet une copie au praticien conseil auteur de l’avis contesté.


• Réponse du praticien conseil (R 142- 8 -2 CSS) : Ce dernier dispose alors d’un délai de 10 jours pour communiquer au secrétariat sous pli confidentiel :


- l’intégralité du rapport médical reprenant les constats résultant de l’examen clinique de l’assuré ainsi que ceux résultant des examens qu’il a pu consulter (L 142-6 CSS),


- et l’avis transmis à l’organisme sur le taux d’IPP.


• Recours de l’employeur ou de l’assuré (R 142-8-3 CSS) : A réception et sans délai, le secrétariat notifie ces éléments au médecin désigné par l’employeur sans que puisse lui être opposé le secret professionnel, en en informant la victime et en mentionnant le délai de réponse.


A réception, le médecin de l’employeur dispose d’un délai de vingt jours pour faire valoir ses observations par tout moyen leur conférant date certaine.


• Avis de la CMRA (R 142-8-4 CSS) : la commission établit pour chaque cas examiné un rapport comportant son analyse du dossier et ses conclusions ; elle statue par une décision comportant des conclusions motivées.


Elle notifie sans délai la décision à l’intéressé et à l’organisme de prise en charge et adresse par ailleurs une copie de son rapport sous pli confidentiel, au service médical compétent ainsi, qu’à sa demande, au médecin de l’employeur si celui-ci est à l’origine du recours.


Au-delà d’un délai de 4 mois à compter de la réception du recours par la Commission son silence vaut rejet implicite de la demande.


Sachant que la décision s’impose à l’organisme concerné, l’auteur du recours amiable disposera alors d’un délai de deux mois pour exercer un recours contentieux devant le pôle social du tribunal de grande instance compétent, ces délais ne lui étant opposables que pour autant qu’avec les voies de recours, ils aient été mentionnés dans la notification de décision ou, en cas de décision implicite, dans l’accusé de réception de la demande (R 142-1-A- III CSS).


Cette organisation et ce fonctionnement font naître quelques questionnements en termes de délais plus particulièrement :


• En l’absence de sanctions explicites de leur non respect, les délais précis stipulés ne revêtent ils qu’un caractère indicatif ? Cela semble bien le cas ; et il paraît donc difficile pour le juge judiciaire d’en tirer quelques conséquences négatives tant pour le requérant, telle que l’irrecevabilité de ses observations, que pour l’organisme telle que l’inopposabilité à l’employeur de ses décisions.


Ils devraient par contre avoir un effet incitatif pour accélérer le traitement des dossiers en commission, effet qui n’existe pas devant les commissions de recours amiables (CRA) du contentieux général, sans préjudice toutefois des décisions implicites de rejet.


• Il faut souligner deux absents de taille devant cette commission :

- le médecin de l’employeur qui n’aura pu défendre les intérêts de l’employeur qu’au seul stade de ses observations écrites, sans possibilité de débattre oralement avec ses pairs des objections qu’ils peuvent y soulever.

- L’absence de tout juriste tant dans la composition de la commission que pour débattre devant elle, ce qui ne permettra pas de traiter à ce stade gracieux les différentes problématiques juridiques inhérents à ce type de recours : intérêt et qualité à agir, recevabilité, respect du contradictoire…


L’on peut donc légitimement se demander si l’instauration de ce recours préalable aura réellement pour effet d’accélérer les traitements des dossiers de contestation des taux d’IPP et de désengorger les juridictions, ce qui demeure l’un des objectifs affichés de la réforme J 21.


Forts de taux de succès significatifs devant les feux TCI et face à une commission dominée par les organismes auteurs des décisions contestées et leurs médecins conseils, les employeurs non satisfaits de décisions gracieuses qui ne seront arrêtées qu’avec un faible concours de leur part, n’auront-ils pas une tendance bien compréhensible à se tourner, après un minimum de 4 mois qui n’auront pas fait nécessairement avancer leur cause, vers un juge apte à examiner l’ensemble de leurs problématiques tant médicales que juridiques et attentif aux explications qui pourront lui être présentées en audience par les représentants de l’employeur, médecin et avocat ?

Le Journal du Management Juridique n°69, Mars-Avril 2019, Spécial Droit Social


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